Интервью Сэнсея В. Майстрового французскому журналу

Опубликовано: 
"Каратэ Бушидо", март 2009 г. (франц.)

INTERVIEW

II est instructeur des forces d'élite de l'armée russe, les Spetznaz

VALERIY MAISTROVOY 

«IL FAUT SAVOIR SURVIVRE»

 
Instructeur des Spetznaz, les forces d'élite russes, responsable de la chaire d'Arts  Martiaux à I'Université des sports de Moscou, Valeriy Maistrovoy est un professionnel de l'art du combat. 
Elevé à la férule soviétique, cet avocat de la tradition de combat russe n'a pas pour habitude de mâcher ses mots et possède une vision très précise de la pratique des Arts Martiaux où tradition et ouverture d'esprit doivent se rejoindre.
 
Propos recueillis par Ludovic Mauchien > Photos: D.R.
 
EN QUELQUES DATES:
  • 1965 Naissance à Moscou (Russie)
  • 1970 Débute les  Arts Martiaux par le Sambo
  • 1986 Commence le Karaté d'Okinawa et le Kobudo
  • 1995 Est élu président de la fédération russe d'Arts Martiaux 
  • 1998 Devient le responsable de la chaire Arts Martiaux à I'Université des sports de Moscou
  • 2003 Commence le Pencak Silat
 
II ne faut pas s'y méprendre. Sous ses airs de gros nounours bien léché, Valeriy Maistrovoy est un redoutable guerrier. Dans les années 80, il appartenait aux Spetznaz, les troupes d'élite de l'armée russe. Aujourd'hui, il est l'un de leurs instructeurs tout en étant le professeur en charge de la chaire Arts Martiaux à I'Université de la culture physique et des sports de Moscou.
Dans son enseignement, il n'est point question de bla-bla, qu'il déblatère d'ailleurs, mais d'un sens aiguisé de l'efficacité et de la responsabilité. «Les Arts Martiaux ne peuvent être considérés comme un amusement», insiste-t-il.
Dans son esprit, il faut s'ouvrir aux traditions des autres pays afin de pouvoir apporter une réponse à chaque coup, mais sans mélanger les genres. Le sien, c'est la tradition du combat de l'école russe.
 
Les Arts Martiaux, c'est votre vie visiblement?
Complètement. Et ce, depuis l'enfance. Mon grand-père et mon père pratiquaient beaucoup. Je n'ai jamais cessé de m'entraîner depuis l'âge de cinq ans et j'en ai fait mon métier, que ce soit comme enseignant à I'Université des sports ou lors de mes cours avec les Spetznaz.
 
C'est une responsabilité importante d'entraîner des troupes  d'élite car ils peuvent être amenés à risquer leur vie...
J'en ai parfaitement conscience. La plupart de mes élèves sont des officiers des Spetznaz, de l'armée comme de la police, et beaucoup sont des vétérans de différents conflits. II est donc indispensable de faire la part des choses. Je suis contre la guerre mais si l'on se retrouve obligé à la faire, il faut savoir survivre.
Les Arts Martiaux ne peuvent être considérés comme un amusement. IIs ont été créés pour autre chose: le combat. Et dans une situation de self défense, de combat réel, on doit être sûr de sa technique. Celle-ci doit être comme une arme à feu: faire mouche à tous les coups.
 
«LA THÉORIE EST LA SOLUTION À ÉVITER...»
 
Quelle est votre méthode pour y parvenir?
La théorie est la solution à éviter (rires)! Pour enseigner efficacement, il faut déjà posséder une expérience du combat réel. Le plus important est d'arriver à maîtriser sa peur et, pour ce faire, il faut savoir ce que c'est que de prendre et donner des coups. Tout le reste, ce ne sont que des mots. Certaines personnes aujourd'hui, que j'appelle les fonctionnaires des Arts Martiaux, se positionnent comme de vrais combattants ou s'annoncent comme maîtres... Je trouve cela terrible! Mais, bon, on les connaît tous...
Personnellement, cela m'arrive de pratiquer 15 heures par jour, entre I'Université et les Spetznaz. Je ne connais pas tout, loin de là. Mais, au moins, je peux faire la distinction entre du Karaté d'Okinawa et du Pencak Silat!
 
Votre maîtrise de différents Arts Martiaux (Sambo, Karaté, Kobudo, Pencak Silat...) vous a-t-elle amené à créer votre propre système?
Surtout pas! Je suis opposé à cette idée. Je trouve que c'est une profanation de la tradition. Si l'on pratique du Karaté, il faut que cela soit du Karaté. Mon idée ressemble à celle de I'UNESCO. Je combats pour la sauvegarde du patrimoine.
Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas aborder différents styles de différents pays. Mais l'idée est d'additionner ses compétences pour répondre efficacement, pour comprendre les différentes formes d'attaque. II ne faut jamais mélanger mais séparer les choses. Les Arts Martiaux, ce n'est pas de la salade. II faut respecter la tradition et nos ancêtres. On doit faire très attention avec les valeurs et le respect.
 
«LE PLUS IMPORTANT EST D'ÉVITER LES FAUX, MAÎTRES OU ÉCOLES»
 
Pourquoi avoir décidé d'apprendre le Karaté d'Okinawa ou le Pencak Silat?
Justement parce que ce sont des Arts Martiaux ancestraux, qui tirent leur crédibilité dans leur longévité. Je n'ai pas envie d'apprendre un sport moderne dans lequel il n'existe pas de vraies traditions. Dans le Kobudo, comme dans le Pencak Silat, il existe de vrais maîtres qui peuvent enseigner une tradition ancienne et aller au plus profond des choses dans la compréhension du combat, de l'art martial.
 
Un Art Martial peut-il être plus efficace qu'un autre selon vous?
Je me suis rendu dans une soixantaine de pays pour aller aux sources des pratiques martiales car je considère que chacun a sa valeur et ses bons côtés. Si je considèrais qu'un  Art Martial était meilleur qu'un autre, je serais resté à Moscou. Le plus important est d'éviter les faux, que ce soit les maîtres ou les écoles. Sinon on perd le sens et l'idée générale des Arts Martiaux.
 
Vous vous positionnez comme défenseur de la tradition. Quelle est la vôtre?
En fait, depuis mon enfance, j'ai toujours été entre deux chaises. Mon grand-père, né en 1908 et vétéran de la  deuxième guerre mondiale, était un partisan de la tradition russe du combat. Mon père la négligeait et s'entraînait au Karaté, Ju-Jitsu et Sambo de combat moderne.
Mais c'est vrai que je suis devenu un ardent défenseur de la tradition russe qui n'est pas ce que l'on voit dans le Sambo aujourd'hui.
 
«LE VRAI SAMBO A ÉTÉ TENU SECRET JUSQU'AU 21e SIÈCLE»
 
C'est-à-dire?
A l'époque de I'URSS, on commençait par le Sambo sportif avant d'aborder le Sambo de combat. Aujourd'hui, on fait du Sambo sportif auquel on a ajouté des coups de Karaté et de Muay thaï pour appeler cela du Sambo de combat ou du corps à corps russe pour en faire quelque chose de plus amorphe. Mais on est loin de la vérité.
Le vrai Sambo de combat commence parl'apprentissage des coups, à mains nues, armes contre armes, à mains nues contre armes. Bref, il englobe toutes les formes d'attaque. C'est un système vraiment différent qui était réservé aux membres, et plus particulièrement aux officiers, du KGB et des Spetznaz, que ce soit ceux de l'armée ou du Ministère de l'intérieur.
 
«IL FAUT SAVOIR PRENDRE ET DONNER DES COUPS. TOUT LE RESTE, CE NE SONT QUE DES MOTS»
 
II n'y avait pas de place pour la compétition. N'oublions pas que le vrai Sambo a été tenu plus ou moins secret jusqu'au 21e siècle. Ce n'est qu'en 1997 que les  compétitions de Sambo sont devenues officielles. La tradition a donc été en partie oubliée.
 
Vous avez écrit un livre sur le Stenka, «l'art martial russe». Est-ce cela la vraie tradition russe du combat?
Le Stenka, que l'on peut aussi traduire par corps à corps russe, était normalement un affrontement entre deux groupes, positionnés tels des murs. C'est avant tout une ptatique d'équipe où l'on apprenait à combattre contre plusieurs adversaires. Cela amenait au corps à corps car il formait les gens à vivre des situations encore plus compliquées qu'un combat d'homme à homme.
On sait que lors d'un affrontement, un combattant peut aller jusqu'à donner trois coups d'affilée de manière efficace. Le Stenka apprenait à prévoir, à anticiper les réponses.
 
«EN SELF DÉFENSE, LE PLUS GROS N'EST PAS LE PLUS FORT»
 
La puissance et l'habitude des coups ne sont cependant pas les seuls critères de succès dans un combat...
Bien sûr que non. II faut évidemment développer sa force physique mais la stratégie, donc l'approche pédagogique, est aussi très importante. Par exemple, on peut divertir l'attention de son adversaire avant de frapper. En self défense, le plus gros n'est pas le plus fort. C'est celui qui a une stratégie, qui anticipe, qui le sera. 
 
D'où la tradition des combats contre les animaux et, particulièrement, contre les ours?
Un ours est féroce et, surtout, très intelligent. II peut combattre sur deux pattes, sur quatre pattes... Par exemple, lors d'une chasse à l'ours, si on le voit par hasard, c'est mauvais signe car cela signifie que c'est l'ours qui nous chasse. II se montre pour qu'on le voit puis se cache. Dans ces cas-là, il vaut mieux arrêter même si l'on a un fusil. Suele une personne naïve pourrait compter vaincre un ours dans cette situation. La tradition du combat contre l'ours s'est perdue mais son enseignement doit perdurer car il est très formateur.
 
Voir contact p.97